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La consultation des SMS, mails et fichiers informatiques du salarié par l’employeur

La consultation des SMS, mails et fichiers informatiques du salarié par l’employeur

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En vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 9 du Code civil et de l’article L. 1121-1 du Code du travail, le salarié bénéficie du droit au respect de sa vie privée et donc au secret de ses correspondances.

C’est en ce sens que la Cour de cassation a récemment rappelé le principe selon lequel tout les mails du salarié reçus sur sa messagerie personnelle lui sont innoposables (Cass. Soc. 7 avril 2016, n°14-27949).

La Cour de cassation a toutefois eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que l’employeur peut valablement consulter les mails, voire les SMS, du salarié sans son accord et sans sa présence dès lors qu’ils figurent sur un outil professionnel et qu’ils ne sont pas identifiés comme personnels (Cass. Soc., 16 mai 2013, n° 12-11866 ; Cass. Com. 10 février 2015, n° 13-14779).

Dans une telle situation, ces messages sont présumés avoir un caractère professionnel.

Il convient donc de bien distinguer selon que les correspondances émanent de la messagerie professionnelle du salarié, mise à la disposition de l’employeur pour les besoins de son activité, ou de sa messagerie personnelle.

1. La consultation des fichiers et correspondances sur l’ordinateur professionnel du salarié par l’employeur

a. Un principe : le caractère professionnel présumé des fichiers et correspondances présents sur le poste de travail

La présomption du caractère professionnel

Par principe, les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel et l’employeur dispose d’un libre accès à ces fichiers et peut les ouvrir et les consulter hors la présence du salarié, sauf si le salarié les identifie comme personnels.

L’employeur peut contrôler les fichiers informatiques créés, reçus et envoyés par les salariés ainsi que le disque dur de l’ordinateur, notamment pour protéger les intérêts de l’entreprise ou sauvegarder les preuves d’une faute disciplinaire, dans le cadre de son pouvoir hiérarchique.

Toutefois, ce contrôle doit s’effectuer pour des motifs légitimes et être justifié.

Toutefois, si l’employeur est en droit d’ouvrir les courriels présumés professionnels, sur la messagerie de son salarié, cette faculté ne lui permet pas pour autant de sanctionner ce dernier en raison du contenu du message si celui-ci est d’ordre privé (Cass. Soc. 5 juillet 2011, n° 10-17.284).

En revanche, l’employeur peut rechercher, aux fins de les identifier, hors de la présence du salarié et sans même l’avoir convoqué, les données de connexion, notamment les historiques de connexion, sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail, qui sont présumées avoir un caractère professionnel (Cass. Soc. 8 juillet 2008, n° 06-45.800).

La Cour a également rendu un arrêt autorisant l’employeur à accéder aux fichiers enregistrés sur une clé USB appartenant à un salarié dès lors que celle-ci est connectée à un ordinateur appartenant à l’entreprise.

En effet, pour la Cour, « dès lors qu’elle [la clé USB] est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, étant présumée utilisée à des fins professionnelles, l’employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient, hors la présence du salarié » (Cass. Soc. 12 février 2013, n° 11-28.649).

Ainsi, l’employeur qui peut avoir librement accès au contenu de tout « outil informatique » mis à disposition du salarié, y compris en sa présence peut également, grâce à cet arrêt, avoir accès aux périphériques de stockage et à leur contenu dès lors qu’ils sont connectés à un ordinateur appartenant à l’employeur et mis à la disposition du salarié pour l’exécution de son contrat.

La Cour confirme que l’employeur peut accéder librement, c’est-à-dire même hors la présence du salarié, aux fichiers des outils informatiques « non identifiés comme personnels ».

Il convient de rappeler que face au refus du salarié, seule une ordonnance rendue par le Président du Tribunal de grande instance peut autoriser un huissier de justice assisté d’un expert à ouvrir les fichiers identifiés comme personnels et à prendre connaissance de leur contenu (article 145 du Code de procédure civile).

Les sanctions découlant de la découverte des documents

Les juges tolèrent généralement qu’un salarié se connecte à des sites internet sans lien avec son activité professionnelle pendant ses heures de travail, dès lors qu’il le fait de manière raisonnable (Cass. Soc. 8 décembre 2009, n° 08-42.097). Mais un usage abusif de la connexion internet de l’entreprise peut justifier le prononcé d’une sanction.

L’abus peut être caractérisé lorsque le salarié consulte des contenus inappropriés tels que des sites pornographiques (Cass. Soc. 23 novembre 2011, n° 10-30.833) ou que ses connexions causent un préjudice à l’entreprise en provoquant un encombrement du réseau en raison du volume de fichiers téléchargés (Cass. Soc. 15 décembre 2010, n° 09-42.691).

Les juges reconnaissent également un abus lorsque la fréquence et la durée des connexions attestent que l’intéressé a négligé son activité professionnelle (Cass. Soc. 18 mars 2009, n° 07-44.247).

La Cour de cassation s’est d’ailleurs prononcée à ce sujet alors que le salarié, licencié pour faute grave, s’était connecté à plus de 10.000 reprises en l’espace d’un mois sur des sites extraprofessionnels (Cass. Soc. 26 février 2013, n° 11-27.372).

Il convient de noter dans un registre similaire qu’un arrêt de la Cour de cassation est venu poser le principe selon lequel les insultes proférées par un salarié contre son employeur sur un réseau social ne constituent pas le délit d’injure publique si seul un nombre très restreint de personnes y a eu accès (Cass. 1e civ. 10 avril 2013, n° 11-19.530).

b. Une dérogation : la mention « personnel » dans l’objet du mail ou dans la dénomination du fichier interdit toute consultation par l’employeur

La Chambre sociale de la Cour de cassation a posé une limite en 2013 (arrêt précité) à la présomption du caractère professionnel estimant que les fichiers et emails identifiés par le salarié comme étant « personnel » ne pouvaient pas être consultés par l’employeur en dehors de la présence du salarié.

Sauf risque ou événement particulier, si le message est clairement identifié comme étant personnel, par exemple, si l’objet du message précise clairement qu’il s’agit d’un message privé ou personnel, l’employeur ne peut en prendre connaissance qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé sinon, il doit respecter le secret des correspondances.

Cette décision est en harmonie avec un arrêt très connu dit « Nikon » en date d’octobre 2001, par lequel la Cour de Cassation avait affirmé qu’un employeur ne pouvait prendre connaissance des messages personnels d’un employé sans porter atteinte à la vie privée de ce dernier.

La Cour de cassation a d’ailleurs récemment confirmé ce principe en censurant un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait estimé que l’employeur pouvait opposer au salarié un mail issue de sa messagerie personnelle accessible depuis son ordinateur professionnel (CA Aix-en-Provence, 3 décembre 2013, n°12/03733 ; Cass. Soc. 7 avril 2016, précité).

Toutefois, si, lorsque le fichier porte l’intitulé « personnel » et que le salarié appelé pour la consultation dudit fichier refuse ou ne répond pas, l’employeur peut par l’intermédiaire d’un huissier consulter ces mails.

Par ailleurs, le secret peut être levé dans le cadre d’une instruction pénale ou par une décision de justice et un juge peut, par exemple, prendre une ordonnance afin de désigner un huissier de justice pour accéder aux messages.

Une fois ouvert légitimement, le courriel peut être utilisé à l’appui d’une procédure disciplinaire de licenciement s’il présente un « rapport avec l’activité professionnelle ».

2. L’extension des règles applicables à l’ordinateur professionnel au téléphone portable professionnel

La Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt de février 2015 (précité) a décidé que le portable professionnel était un outil de travail et que les SMS envoyés ou reçus par cet appareil « sont présumés avoir un caractère professionnel ».

De plus, la Cour a précisé que ne constitue pas un procédé déloyal la production en justice des SMS n’ayant pas été identifiés comme « personnel » par le salarié et qu’ils sont donc recevables comme mode de preuve.

Pour elle, les articles 9 du Code civil et 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui protègent la vie privée ne peuvent alors être invoqués.

3. Qu’en est-il de l’utilisation par le salarié de son téléphone portable personnel pendant le travail ?

Conformément à l’article L. 1321-3 du Code du travail, une interdiction générale et absolue d’utiliser le téléphone portable personnel sur le lieu de travail et durant les horaires de travail peut être considérée comme abusive.

Cependant, cette interdiction peut être justifiée par des situations de travail particulières, par exemple, des postes à hauts risques nécessitant une attention permanente et absolue.

Une telle interdiction doit être inscrite dans le règlement intérieur ou une note de service si l’entreprise n’est pas obligée d’élaborer ce règlement et peut également être dans une clause du contrat de travail.

Hors ces cas particuliers,  aucune faute ne peut en principe être reprochée aux salariés en cas d’utilisation raisonnable de leur téléphone à des fins personnelles durant le temps de travail.

Les limites à respecter s’apprécient par rapport au temps consacré à cette utilisation mais également par rapport aux nuisances que l’usage d’un téléphone mobile peut engendrer pour les autres salariés.

Si le téléphone portable est un simple outil de travail et non un avantage en nature, l’employeur qui a mis un téléphone portable professionnel à la disposition du salarié est en principe libre de le supprimer, sauf si cette mesure constitue une discrimination ou participe d’un harcèlement moral (Cass. Soc. 27 octobre 2004, n° 04-41.008).

Toutefois, s’il s’agit d’un avantage en nature, c’est un élément de rémunération et l’employeur ne peut en priver le salarié.

Le respect du droit de propriété et de la vie privée du salarié ainsi que l’exigence de loyauté dans la constitution de la preuve s’opposent en principe à une vérification par l’employeur, du contenu du téléphone personnel du salarié, même s’il soupçonne un usage frauduleux et préjudiciable à l’entreprise de cet outil.

L’enregistrement d’une conversation téléphonique privée qui a été  effectuée à l’insu de l’auteur est un procédé déloyal qui rend irrecevable en justice la preuve obtenue de cette manière selon la Cour de cassation.

Toutefois, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des SMS, l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par le téléphone (Cass. soc. 23 mai 2007 n° 06-43.209).

Le message vocal de l’employeur laissé sur le téléphone du salarié est également un mode de preuve valable (Cass. soc. 6 février 2013 n° 11-23.738).

Ainsi, l’employeur et le salarié ont la possibilité de produire en justice les SMS ou messages vocaux échangés au moyen d’un téléphone portable professionnel ou même personnel.

Une faute simple justifie le licenciement du salarié pour cause personnelle qui a passé des appels téléphoniques hors horaires de travail avec le téléphone portable mis à sa disposition par l’employeur (CA Paris 2 juillet 2008, n° 06-13085).

En revanche, le licenciement motivé par l’usage abusif du téléphone portable alors qu’une utilisation privée était largement tolérée dans l’entreprise et que le salarié n’avait pas fait l’objet d’une mise en garde ni même de remarques préalables n’est pas justifié (Cass. soc. 1er février 2011, n° 09-42.786).

A une époque où le téléphone portable et internet sont omniprésents, il convient tant pour l’employeur que pour le salarié de suivre de très près l’évolution du droit en la matière…

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Auteur: Maître Dahlia Arfi-Elkaïm

Maître Dahlia Arfi-Elkaïm, avocat au Barreau de Paris est associée du cabinet JDB AVOCATS, elle intervient dans le domaine du droit des affaires en conseil et contentieux.